Nous voilà chez Segundo et Virginia Morales.
Débute un séjour puissant et remuant, une vraie rencontre avec cette famille indigène cimentée par ses traditions et profondément ancrée dans sa vie rurale.
Virginia est paysanne, sans doute le plus vieux métier du monde, quoi qu’en disent certains. Elle travaille dès le petit matin pour permettre à chacun de manger ce qu’elle tire de leur terre. Ils sont autonomes en nourriture, ne leur manque que le sel, qu’ils doivent acheter.
Segundo, père de famille charismatique à la voix posée et au regard vif et profond, travaille sur les chantiers : plomberie, électricité, maçonnerie… Tous deux sont pour nous des hôtes bienveillants, des livres ouverts sur la culture Quichua, des promesses d’ailleurs réalisées, des invitations à nous remettre en cause.
Ils sont particulièrement impliqués dans la vie de leur communauté. Virginia participe à la promotion de l’agriculture sans produits chimiques, au marché artisanal des Chilcapambas, donne des cours de chant à l’église évangéliste… Segundo a coordonné le chantier communautaire pour l’acheminement de l’eau et est responsable local de l’association Yachakushunchik, qui œuvre pour l’accès à l’éducation des jeunes de la communauté, afin de leur permettre de s’émanciper professionnellement et financièrement… Je crois qu’ils tentent de cueillir le meilleur dans notre monde en mouvance, tout en respectant leurs traditions…
Nous avons pu partager beaucoup de temps avec leurs enfants. Licia et son mari ainsi que leur fils Jairi, le super copain d’Arthur dont nous avons pu visiter l’école. Daniel, le second fils, qui m’a fait découvrir de la musique locale, et qui a la classe avec ses baskets blanches impeccables malgré la poussière des rues et sa casquette Michael Jordan, cadeau de son frère ainé David parti travailler au Mexique. Violetta, qui termine le lycée et espère devenir dessinatrice de mode. Graziela, toujours souriante (qu’elle me pardonne si j’écorche son nom !). Et enfin Rusti, avec qui nous avons pu passer des moments privilégiés.
Les soirées se passent au coin du feu. « El fuego hace la reunion ! », Segundo cite avec justesse ce proverbe Quichua. Nous discutons de la vie, de nos parcours respectifs et, à l’aune de ce que nous avons pu voir chacun du monde qui nous entoure, de ses joies, sa rudesse, ses mirages. Segundo parait à la fois serein et intéressé par tout. C’est réciproque, nous sommes avides de cette simplicité et cette sagesse qui, malgré une vie de labeur, caractérisent bien des gens vivant chichement.
Nous partageons la même fascination pour les flammes dansantes du feu, l’eau vive des rivières, l’immensité de l’espace… Un de ces fameux soirs, Segundo s’est retiré doucement du feu, est sorti pour regarder s’il y avait des nuages et est venu me chercher pour me montrer la Croix du Sud, dont nous venions de parler, et que je rêvais de voir depuis que j’étais petit. Je savais que je ne pouvais pas voir cette constellation de chez nous dans l’hémisphère Nord, et qu’il me faudrait voyager tellement loin pour pouvoir la contempler.
C’est étrange que malgré notre passage en Argentine, jusqu’à la ville la plus australe au monde, j’ai attendu d’arriver en Equateur, à l’équateur, pour la voir. A ce moment précis, le foyer de Segundo et Virginia est apparu pour moi tout à coup comme un trait d’union entre nos deux hémisphères, et entre nos deux mondes.
Arthur lui-même a été interpelé par leur façon de vivre. Par son intuition il semble pressentir ce qu’il y a de bon à y apprendre. « C’est drôle, parce qu’ils n’ont presque rien, mais ils paraissent quand-même heureux ! », nous dira-t-il lors d’une promenade en montagne avec Rusti, autour des champs de Choclo.
Agathe et lui ont trouvé ici des amis avec qui jouer, un jardin où s’éclater et où jardiner (« Comme chez Papy Jacquo ! »), une ‘mamie’ avec qui apprendre à cuire au feu de bois les tortillas, délicieuses galettes de blé enduites généreusement de confiture d’uvillas (des physalis) au petit déjeuner…
Durant ces quelques jours nous avons partagé les tâches quotidiennes de la famille et en particulier de Virginia. Cultiver, récolter, cuisiner… Descendre au village de Cotocachi, à 8 dans notre voiture de location, remplie à ras-bord de tout un tas de trucs à vendre au marché… Descendre à l’école d’Otavalo pour permettre à Virginia d’assister à la rencontre parents-professeurs au sujet de l’avenir scolaire de Violetta…
Et nous avons passé nos après-midis avec Rusti. Qu’est-ce que j’ai aimé ce garçon joyeux et doux, au regard vif et rieur, qui nous a fait découvrir avec générosité ses montagnes, sa lagune, ses sentiers, son royaume, quoi. Habile de ses mains, déjà riche d’un savoir immense sur la nature qui l’environne, il nous a montré les plantes et fruits comestibles, ou celles dont ils peuvent tirer de la paille pour faire des sandales…
Après ces quelques jours de vie ensemble, nous sommes partis pour Otavalo.
Rusti était ému de nous voir partir. Nous aussi. On a pas fait durer l’instant, parce que ses yeux commençaient à briller beaucoup et son grand frère Daniel m’a pudiquement dit qu’il était triste de nous voir partir. On a reçu chacun un cadeau, un petit bracelet, appelez ça une babiole si ça vous chante, mais une jolie babiole. Faite avec leurs mains, offerte avec leur cœur.
Nous avons vraiment aimé ce moment de partage et de respect et espérons qu’ils pourront, ainsi que toute leur communauté des Chilcapamba, maintenir ce rapport intime à la nature, ce détachement face aux mirages de la modernité, cette force de caractère pour faire progresser leurs conditions de vie.
A la fin de séjour chez Segundo et Virginia, nous souhaitons aller à Otavalo. Virginia en profite pour nous demander de la déposer au marché. En chemin, elle nous demande où nous comptons dormir. Rien de défini pour nous, routard à la main on va chercher un hôtel. Elle nous parle donc d’un ami qui vit avec une française et avant qu’on ait dit ouf elle l’appelle. Ils vivent juste à côté du marché et Virginia nous accompagne là-bas.
C’est ainsi que nous rencontrons Fernando et Catherine. Nico va visiter leur maison pendant que je patiente dans la voiture avec les enfants qui se sont assoupis.
Ils ne font pas vraiment chambre d’hôtes mais dépannent de temps en temps les gens comme nous. Ils ont l’air sympas, accueillants. Alors affaire conclue, on dort ici ce soir… Finalement nous passerons 5 nuits dans une ambiance familiale et chaleureuse avec Fernando, Catherine et Neil (le fils de Fernando, super sympa aussi).
Quand on est en voyage les rencontres sont vite riches et intenses. Cette semaine chez eux fut exceptionnelle. Ils nous ont ouvert leur maison et leur cœur ! Durant ces quelques temps ensemble, nous partagerons nos repas mais aussi nos expériences… Les enfants sont aux anges, Catherine a des jeux supers (dont certains qu’elle a édité elle-même avec son frère) et elle s’occupe d’eux avec enthousiasme ! De notre côté, nous en profiterons même pour passer une après-midi en amoureux, un luxe !
Nous avons donc pu découvrir Otavalo en toute sérénité. Son impressionnant marché aux bestiaux d’abord, où on croise des poules et des cochons d’inde en vrac dans des grands sacs en toile de jute, des vaches, des cochons, des lapins, des chèvres, des moutons (mais on n’a pas vu de lamas L !)… Il y a énormément de monde, c’est très animé. Et puis son marché artisanal multicolore : hamacs, couvertures, vêtements, bijoux, sculptures, instruments de musique… L’occasion de s’acheter quelques (petits) souvenirs (Arthur voulait ramener une poule et Agathe un mouton, mais on a dit non).
Fernando, qui est un grand musicophile et connaît bien la musique traditionnelle andine, nous a fait rencontrer un ami luthier à lui, et Nico a flashé sur un charrango, instrument qu’il rêvait de ramener de son voyage. Nous avons aussi acheté un rondador, instrument plus typique de la région (car le charrango est originaire de Bolivie !).
Les environs d’Otavalo regorgent d’endroits super pour se promener. Nous avons découvert le Parque del Condor, où nous avons sympathisé avec les Tourmalenn, une famille de français partis en vadrouille depuis déjà 3 ans (!) avec leur camion. Sur le retour du Parque del Condor, nous sommes allés voir le Lechero, un arbre sacré pour les indiens, dont la sève ressemble à du lait. La tradition veut qu’un enfant mort soit enterré à proximité afin qu’il soit éternellement nourri. L’endroit était beau et émouvant. Nous avons pu découvrir la cascade de Peguche en amoureux. Cet endroit, sacré dans la tradition Quichua, est impressionnant avec ses bains d’eau gazeuse !
Enfin, nous avons tenté une escapade nature à la Laguna de Moranda, avec dans l’idée de randonner un peu. Aventure qui s’est soldée par un petit fiasco : enlisement de la voiture, 1h30 pour en sortir avec l’orage qui s’approchait… Nos petits aventuriers nous ont épatés par leur courage. Arthur a bien poussé la voiture et s’est bien occupé de sa sœur, qui a été très patiente !
C’est sur cet événement riche en émotions et en transpiration que s’est achevé notre séjour à Otavalo.
Nous sommes repartis vers le Sud, en nous arrêtant un instant à Quitsato pour franchir la ligne de l’Équateur et en savoir plus sur ce lieu si symbolique, connu depuis des millénaires par les civilisations précolombiennes. Puis, nous avons repris la route direction Quito pour la semaine sainte.
La suite de l’aventure arrive très vite
Fanny Nico Arthur et Agathe de l’Aventure Naud
Pour suivre toutes leurs aventures autour du monde, c’est par ici : aventurenaud.wordpress.com
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